Balade à Aspiran

   

une balade autour du village d'Aspiran 

Le soleil illumine la campagne,  
Je pars d'un pas léger et joyeux  
A travers monts et montagnes.  
Je reviendrai tantôt, le coeur apaisé et heureux.  

Le long de mes promenades solitaires  
Je ne suis ni triste, ni malheureux,  
Il me suffit de fixer la terre  
Pour découvrir tout ce petit monde merveilleux.  

Je m'en vais en homme libre  
A travers garrigues et champs  
L'odeur du thym et lavande m'énivre  
Qu'il fait bon vivre en Aspiran.  

Le soir, à la nuit tombée  
Je sors parfois dans le jardin  
J'admire la tour toute illuminée  
Qui se profile dans le lointain  

De gros nuages courent dans le ciel  
Faisant un jeu d'ombres et de lumières  
A l'horizon un arc en ciel  
Embrase toute l'atmosphère.  

J'emprunte le chemin de la gare  
Qui me conduit à l'Hérault  
Sur la plage les promeneurs sont rares,  
Moi, je me contente de rêver au bord de l'eau.  

Comme la feuille au vent  
Je m'envole dans la nature,  
Mais avant le soleil couchant,  
Je serai de retour, je te jure  

La tramontane cingle mon visage  
Me freine dans ma marche en avant,  
Mais je me sens force et courage  
Je ne rebrousse pas chemin pour autant.  

Aujourd'hui la journée sera longue  
Mes promenades interrompues  
Depuis ce matin, la pluie tombe,  
L'eau ruisselle et cours dans la rue.  

Assis bien au chaud, derrière la fenêtre  
Je suis triste et ne cesse de penser  
Aux millions de petits êtres,  
Qui n'ont aucun toit pour s'abriter.  

Les douzes coups de midi sonnent dans le lointain,  
Le repas est déjà servi  
Je savoure avec entrain  
Un gros plat de spaghettis.  

Pour finir cet excellent repas  
Rien de tel qu'un bon café  
Le relax me tend les bras  
Pour une sieste à durée indéterminée.  

Tous les matins à 8 heures sonnantes  
Un grand coup de klaxon retentit,  
C'est la boulangère fraîche et pimpante  
Qui apporte pain et pâtisserie.  

Au cours d'une belle randonnée  
Sous un chêne je m'assois sur un banc  
Je me sens lourd et fatigué  
Je m'endors presque sur le champ  

Tout à coup un bruit me réveille  
J'ouvre un oeil et j'aperçois  
Oh ! merveille des merveilles !  
Un écureuil assis devant moi.  

Sans bouger je le regarde  
Il n'est pas du tout étonné  
Fait plusieurs tours et s'attarde  
Enfin, d'un bond souple franchit le fossé.  

Demain je retourne en Cévennes  
Revoir la maison où je suis né  
Des tas de souvenirs me reviennent  
Et envahissent ma pensée.  

Ma demeure est en pierre grise  
Blottie tout près du rocher,  
Le grand vent du nord n'a pas de prise  
Contre ses murs très épais.  

Allongé sur la terrasse  
A l'ombre de mes kiwis,  
Je ne vois pas le temps qui passe  
Je me crois au Paradis.  

Le point de vue est agréable  
On distingue sur l'autre versant  
Une bâtisse très confortable  
C'est là qu'à vécu ma jeune maman.  

Souvent au cours d'une promenade  
Me reviens en mémoire le passé,  
La grande maison de la montagne  
Au milieu des champs et des prés.  

Je me vois courant vers l'école  
Distante de quelques mètres seulement,  
Le cartable de cuir en travers de l'épaule  
Mes cheveux blonds volant au vent.  

Le soir la classe terminée  
Tous les jours de la semaine,  
J'accompagne à travers le sentier  
Ma petite compagne Julienne.  

Parfois sa maman nous attend  
Sur le seuil de la maison,  
Et pour me remercier d'être si galant  
Me donne une poignée de bonbons.  

Six heures sonnent à la pendule,  
En hâte j'avale mon petit déjeuner,  
Mon chien près de moi gesticule,  
C'est le départ du jeune berger.  

Moitié endormi je vais en silence  
Rejoindre à pieds la bergerie  
Où m'attendent avec impatience  
Une centaine de brebis.  

La ferme était isolée  
Au milieu de grands pâturages  
Je conduisais toute la journée  
Le troupeau à travers champs et bocages.  

Vers midi, suivi de ma chienne  
Pendant que les moutons "chaïraient"  
Je me rendais à la source de Brosselaine  
Prendre  mon repas à l'ombre du grand cerisier.  

Je dévorais avec délice  
Le menu que Maman m'avait préparé,  
Ma brave Diane avec malice  
Veillait à ne rien égarer.  

Le soir à la nuit tombée  
Je rassemblais tout le troupeau,  
Après les avoir bien comptées  
J'enfermais les brebis dans leur enclos.  

Prenant mon courage à deux mains  
Car je n'avais que onze ans à peine,  
Je croyais voir des ombres au bord du chemin  
Je courais vers la maison à perdre haleine.  

Parfois j'avais une surprise  
Au moment du retour à la maison,  
Mon frère sur sa bicyclette grise  
Venait à ma rencontre penché sur son guidon.  

A cheval sur le porte-bagages,  
Bien serré contre son corps  
Les yeux mi-clos je voyais défiler le paysage,  
J'aurais tant aimé que celà dure encore.  

Il en fut ainsi toutes les vacances,  
Des jours meilleurs, d'autres mauvais,  
J'étais fier de ma persévérance  
Je me croyais le roi des bergers.  

Avec la permission des parents  
Mon frère et moi décidions d'aller vendanger
C'est mon oncle d'Aspiran  
Qui fut chargé de nous placer.  

Le voyage en car puis en train  
Dura une partie de la journée,  
Après plusieurs arrêts en chemin  
Nous arrivions à la nuit tombée.  

Nous logions au bout du village  
Une toute petite maison,  
L'appartement au premier étage  
Etait orné d'un joli balcon.  

De bon matin on partait à la vigne  
Entassés dans un grand tombereau,  
Au lieu-dit on se mettait en ligne  
Chacun sa serpette et son seau.  

La "colle" n'était pas très grande,  
Une dizaine de personnes environ,  
A côté de moi se trouvait Yolande  
Une gamine de treize ans aux cheveux blonds.  

Au début j'étais intimidé  
En présence de cette jeune fille,  
Mais elle sût vite m'apprivoiser  
Car elle était fort gentille.  

Yolande était très agile  
Pour remplir son seau de raisins,  
Moi, j'étais moins habile  
Avec joie elle me donnait un coup de main.  

Nous bavardions comme des pies  
De choses plus ou moins dérisoires,  
Moi, je lui parlais de mes brebis  
Elle me racontais de belles histoires.  

A midi on mangeait sur place  
A l'ombre d'un chêne ou d'un amandier,  
Chacun tirait de sa besace  
Nos nourritures de fins gourmets.  

L'après midi me paraissait longue  
Parfois j'avais mal au dos  
Mais un beau sourire de ma blonde  
La douleur par magie partait aussitôt.  

De retour à la maison  
Il fallait préparer le souper,  
Moi j'étais chargé des commissions  
A toutes jambes je courais chez l'épicier.  

On ne travaillait pas le Dimanche  
J'en profitais pour me lever tard  
Après le repas, je mettais ma chemise blanche  
J'allais rejoindre mon copain Gérard.  

Nous allions sur la colline  
A l'ombre des pins centenaires,  
Les poches remplies de billes,  
Nous y passions la soirée entière.  

Parfois on partait à la pêche  
Là bas sur les berges de l'Hérault  
Nous faisions l'aller et retour en calèche  
Tirés par le poney au petit trot.  

Depuis j'ai fait bien d'autres vendanges  
Dans le Gard ou dans l'Hérault  
Mais dans mon coeur, une chose étrange  
Les souvenirs d'ici restent les plus beaux.  

Subitement je quitte la maison  
Je pars devant moi à l'aventure,  
J'étais las de tourner en rond  
Car le temps au dedans me dure.  

Le soir quand la nuit tombe,  
En attendant l'heure du souper,  
J'aime me relaxer dans ma chaise longue  
Et pendant de longs moments rêvasser.  

Je m'en vais me promener  
Sur la route de Pérét,  
Avant que le jour ne meure  
J'aurai rejoint notre demeure.  

Il a plu toute la semaine,  
Le vent était fort et violent  
J'ai interrompu mes marches quotidiennes,  
Je prends du repos en attendant.  

Le beau temps est enfin revenu,  
Le soleil à nouveau rayonne,  
La nature a complétement perdu  
Ses belles couleurs de l'automne.  

Si je parlais un peu du village  
Avec ses places du Peyrou et Jeu de ballon  
Son église du moyen-âge  
Ecrasée sous son donjon.  

Il y a aussi la petite chapelle  
Avec sa Vierge en haut de la Tour,  
Elle est nichée près de la Garelle,  
Celà vaut bien la peine d'y faire un détour.  

J'oubliais de mentionner les fontaines  
Qui durant toute l'année,  
Déversent une eau pure et souveraine  
Qui laisse un bon goût au palais.  

La liste ne serait pas complète  
Si j'omettais de vous parler  
De ma charmante Placette  
Où m'attend un petit nid douillet.  

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire  
Sur les ruelles étroites et un peu tordues,  
La majestueuse coopérative  
Où la devise est "Accueil et Bienvenue".  

Je découvrais par hasard  
Le lotissement des Condamines,  
Je fus séduit au premier regard  
Par son calme et sa bonne mine.

Faisant une petite promenade 
A travers ce site si beau, 
Je vis au loin une pancarte 
Clouée après un poteau. 

Curieusement je m'y avance, 
Il y était mentionné 
Petite villa à vendre : 
S'adresser à l'Agence Gay. 

Mille pensées tournent dans ma tête, 
L'air est si pur, le soleil chaud, 
Et comme pour me faire la fête 
Me parvient le chant de centaines d'oiseaux. 

Ma décision ne fut pas longue à prendre, 
Après une nuit de réflexion, 
Nous allions sans plus attendre 
Signer le compromis de vente à Clermont. 

Le temps passe de plus en plus vite, 
Nous voici déjà à Noël 
Dans les maisons les mamans s'agitent 
Pour orner le sapin traditionnel. 

La veille de ce jour mémorable 
Par groupes les gens se rendent sans bruit 
Vers l'église du village 
Pour assister à la messe de minuit. 

Moi, en mécréant notoire, 
Je reste bien chaud à la maison, 
Discrètement je prépare 
Pour le retour un gentil réveillon. 

Le lendemain c'est la grande fête, 
Le Père Noël a apporté des tas de cadeaux, 
Les enfants ne savent où donner de la tête, 
Pour eux c'est le jour le plus beau. 

Après nous passons à table, 
La famille au grand complet est réunie, 
La dinde est toujours délectable, 
La bûche et champagne aussi. 

Après ma sieste journalière 
Je décide de me rendre a Paulhan, 
La route m'est familière, 
Je l'emprunte assez souvent. 

C'est un gros village tranquille 
Où j'aime me promener, 
Les boutiques prennent un air de ville 
Elles sont très bien achalandées. 

Depuis que je suis au monde 
J'ai toujours entendu parler de Paulhan, 
Faut dire que ma tante et mon oncle 
Y exerçaient le métier d'enseignants. 

Je n'avais que six ans à peine 
Lorsque mes parents, mon frère et moi, 
Décidions d'aller passer une semaine 
Dans ce joli coin du Bitterois. 

Mon oncle possédait une belle voiture 
Que nous empruntâmes pour le trajet, 
Elle filait à vive allure 
J'en avais le coeur tout chaviré. 

La route me parût fort longue 
Car je n'avais jamais voyagé, 
Je me croyais à l'autre bout du monde 
Lorsqu'enfin nous fûmes arrivés. 

Je retrouvais mes deux cousines 
Qui ont deux ou trois ans de plus que moi, 
Elles sont charmantes et coquines 
A notre vue elles sautaient de joie. 

Vers le milieu de la semaine 
Nous nous rendîmes à Béziers, 
C'était la fête Foraine 
Avec des manèges par milliers. 

Au milieu de cette foule bruyante, 
J'étais tout à coup paralysé 
Mes cousines compatissantes 
Surent très vite me décider. 

Elles m'entraînèrent vers les manèges 
Où tournaient les chevaux de bois, 
Toutes les deux grimpant sur une calèche 
Moi, je préférais le coq Gaulois. 

Mon enfance a été heureuse, 
Je n'ai manqué ni d'amour ni d'affection, 
Nous étions une famille nombreuse, 
Une fille et quatre garçons. 

Vivre à la ferme était une fête, 
Dès l'âge de cinq ou six ans 
Je gambadais au milieu des bêtes 
Qui me bousculaient en passant. 

J'accompagnais toujours mon grand frère 
Quant il partait garder les moutons, 
Nous les conduisions brouter genêts et gruyères 
A plusieurs kilomètres de la maison. 

Pendant que les bêtes mangeaient 
Sous la surveillance de Poulette, 
Assis sur le bord du sentier 
Nous jouions au jeu des pierrettes. 

Il fallait cacher dans sa main 
Un certain nombre de cailloux, 
Celui qui était le plus malin 
Devinait le nombre en tout. 

Le jeu que je préférais 
C'était quand il survenait des naissances, 
Suivant le sexe il fallait trouver 
Un prénom de circonstance. 

Ainsi chaque brebis baptisée 
Portant un nom personnel 
Si l'une d'entre elle s'égarait 
Elle répondait à notre appel. 

Quelques années plus tard je prenais la relève 
Seul avec mon chien j'assurais le boulot 
Allongé sur le dos je plongeais dans mes rêves 
Je voyais défiler tout un monde nouveau. 

Parfois l'hiver, la bise était cinglante, 
Alors je dirigeais tous mes petits bestiaux 
Vers la combe qui descendait en pente 
Tout doucement jusqu'au lit du ruisseau. 

L'eau était claire et très abondante, 
Elle formait de grands tourbillons, 
Sans bruit j'avançais sur la roche glissante 
Pour surprendre, tapis, quelques rares poissons. 

Mes grands parents étaient formidables, 
Ils formaient un couple très uni, 
Parfois il m'arrivait d'être désagréable 
Ils avaient toujours pour moi, un mot gentil. 

Pendant toute la semaine 
Ils travaillaient tous les deux aux champs, 
Malgré leur grand âge et la peine 
Ils étaient toujours souriants. 

Lui s'appelait Auguste, 
Elle s'appelait Marie, 
Je ne me rappelle plus au juste 
Si le plus vieux c'était elle ou si c'était lui. 

Celà n'avait aucune importance, 
Car dans mon coeur de jeune enfant 
Je ne trouvais pas de différence, 
Pour moi ils avaient toujours vingt ans. 

Grand'père connaissait beaucoup d'histoires. 
Qu'il me racontait volontiers, 
Il avait une drôle de mémoire 
Pour avoir tant enregistré. 

Le moment le plus propice, 
C'était le soir à la veillée, 
J'écoutais des heures avec délice 
Jusqu'au moment d'aller me coucher. 

Tous les dimanches matin 
Grand'père mettait ses plus beaux habits, 
Il se rendait au village voisin 
Pour rejoindre ses amis. 

D'abord il allait à l'Assemblée du Temple 
Car Grand'père était protestant, 
Puis vers les midi trente 
Avec ses copains se dirigeait vers le restaurant. 

L'Hôtel Mathe avait bonne renommée 
La cuisine était goûteuse, le vin abondant, 
Tous les dimanches la salle était bondée 
Par une foule de paysans. 

Après avoir bu sa "fouillette" 
Vers le soir il regagnait la maison, 
L'allure toute guillerette 
S'appuyant à peine sur son bâton. 

Je partais à sa rencontre 
En l'apercevant je sautais de joie 
Car je devinais dans la pénombre 
Un petit paquet au bout de ses doigts. 

C'étaient de merveilleux gâteaux 
Qu'il n'oubliait jamais de m'apporter, 
Pour moi c'était le plus beau des cadeaux 
Qu'un grand-père puisse donner. 

Grand'père pour nourrir sa famille 
Faisait le métier de scieur de long, 
C'était un travail pénible 
Et d'une grande précision. 

Il fallait équarrir les billes d'arbres, 
Puis les placer sur un chevalet 
Muni d'une scie montée sur cadre, 
Débiter le tronc tout entier. 

Pour effectuer ce dur boulot 
Il fallait bien être deux, 
Le plus fort se tenait sur le haut 
Grand'père restait dessous dans le creux. 

Ma Grand'mère telle une fourmi 
Ne perdait pas une seconde, 
Du matin jusqu'à tard dans la nuit 
Elle s'occupait de son petit monde. 

La journée elle travaillait dans les champs 
Le soir après souper, c'était la couture 
Car il est vrai que dans ce temps 
Il fallait que le linge dure. 

Elle aimait quand elle avait le temps 
Faire des tas de confitures, 
J'allais lui cueillir quand c'était le moment 
Le long des sentiers des grosses mûres. 

Dan une armoire bien cachée 
Elle rangeait tous les petits pots, 
Et lorsque l'hiver montrait son nez 
Elle dévoilait sa cachette aussitôt. 

J'ai beaucoup appris avec Grand'mère 
Sur la vie, sur le passé, 
Aussi sur les joies et les misères 
Elle aimait tant à raconter. 

Ainsi, il m'a été plus facile 
Par la suite de me faire une opinion 
Sur la saga de la famille 
Et remonter le temps sur plusieurs générations. 

La grande table de la cuisine 
Possédait en son bout un tiroir 
Il était plein, comme on se l'imagine 
De toutes sortes de choses à voir. 

Tout au fond une terrine 
Avec son couvercle en grès 
Rempli de "rebarbe" si fine 
Rien qu'à la voir, l'eau à la bouche nous venait. 

Sur une grande tranche de pain 
Maman étalait une bonne couche, 
Je prenais la tartine à deux mains 
Et je dévorais à pleine bouche. 

La "rebarbe" de mes Cévennes 
Etait mon dessert préféré, 
Tout au long de la semaine 
J'en demandais pour mon goûter. 

Pour obtenir une bonne "rebarbe" 
Il n'y avait rien de sorcier, 
Posséder de la tome, sel et poivre 
Une goutte de lait et bien malaxer. 

A l'école, je n'étais pas trop bête 
J'obtenais d'assez bons résultats, 
Ma maîtresse avant sa retraite 
Voulût me présenter au certificat. 

Il fallut demander une dispense d'âge 
Car je n'avais pas encore douze ans, 
L'institutrice, Madame Cazés 
L'obtient très facilement. 

L'examen se passait à Barre des Cévennes 
C'était le chef-lieu du canton, 
Nous étions près d'une quinzaine 
Au village à attendre le car Lafont. 

Je n'étais pas vraiment en forme, 
Ma nuit avait été très agitée, 
Je m'engouffrais à la place la plus sombre 
A côté de mon copain Roger. 

Trop vite arrivés à destination, 
Les uns derrière les autres en file indienne 
Sous le regard des instits pleins d'émotions 
Nous allions descendre dans l'arène. 

Je ne m'étendrais pas trop sur la suite, 
Dans l'ensemble celà ne s'était pas mal passé, 
Car à l'esprit me vint très vite 
L'envie sournoise de me surpasser. 

En calcul j'étais très fort, 
Je trouvais les problèmes faciles, 
Je bâclais le tout en un temps record, 
Mais j'oubliais une peccadille. 

Heureusement que dans les autres branches 
Je ne me débrouillais pas trop mal, 
A midi j'avais gagné la première manche, 
Il ne me restait plus qu'à passer l'oral. 

Il était cinq heures à peine 
Lorsque l'on annonça le résultat final 
Dans la course je n'arrivais que quatrième, 
J'avais misé sur le mauvais cheval. 

De retour à la maison on fit la fête 
Je reçus de beaux cadeaux : 
Une montre à gousset de tante Berthe, 
Mon Grand'père m'offrit une paire de sabots. 

Les deux ou trois années qui suivirent, 
Dans mon esprit se sont un peu effacées, 
Je continuais de poursuivre 
Mes études et mon métier de berger. 

Brusquement survint la maudite guerre 
Apportant chagrins et tourments, 
A la seule pensée mon coeur se serre 
Je revois la tristesse dans les yeux des parents. 

Ce fut le départ de tous les hommes valides, 
Les larmes des mères des enfants, 
Avec l'espoir si fragile 
Que le retour ne serait pas pour longtemps. 

Alors commença cette longue période 
Pleine de doutes et de déceptions, 
La déroute et puis l'exode 
Et pour finir l'occupation. 

Sans oublier les milliers de prisonniers 
Expédiés dans les usines, 
Pendant quatre ans exilés, 
Subissant l'humiliation et la famine. 

Dans nos montagnes solitaires 
Surgirent tout à coup de toutes parts 
Des groupes de jeunes gens dits "réfractaires" 
Que l'on appelait des maquisards. 

Ils furent hébergés parmi les grandes fermes, 
Dans la journée ils s'occupaient aux champs, 
Le soir venu, munis de grosses lanternes 
Ils allaient récupérer du matériel sur La Can. 

Ils faisaient partie d'un groupe de parachutage 
Qui avait en gros pour mission 
De recevoir dans de gros emballages 
Des conteneurs pleins de munitions. 

Pendant cette période troublée 
Pour nous les jeunes il n'y avait rien, 
Alors dans les fermes isolées 
Se créaient des bals clandestins. 

Pour se rendre à ces veillées 
Il fallait marcher pendant des heures, 
Et c'est à moitié exténués 
Qu'on arrivait enfin à la demeure. 

Dans une salle obscure et enfumée 
Venant de tous les environs, 
Garçons et filles enlacés 
Dansaient au rythme d'un vieux accordéon. 

A la cuisine il y avait la buvette 
Où moyennant quelques monnaies 
On vous servait une âcre piquette 
Qui vous restait en travers du gosier. 

Après minuit l'accordéon s'arrêtait, 
Les filles accompagnées de leurs mères gagnaient leurs maisons, 
Nous, le ventre dans les souliers 
On suppliait à genoux le patron. 

Il se faisait parfois tirer l'oreille, 
Mais soudain pris de compassion 
Il revenait de la cave avec une bouteille 
Et un panier plein de provisions. 

Je m'installais au bout de la table 
Entouré de mes meilleurs copains, 
On passait des heures inoubliables 
A dévorer ce fameux festin. 

Ainsi rassasiés on pouvait reprendre 
Le long chemin du retour, 
Parfois on chantait pour se détendre 
Au loin pointaient les premières lueurs du jour. 

Aujourd'hui c'est Noël, 
La famille au grand complet se réunit 
Les yeux encore gonflés de sommeil 
Car on s'est couché tard cette nuit. 

Les enfants sont autour du sapin 
Et recherchent fébrilement leurs cadeaux, 
Delà le petit Benjamin 
A découvert une belle auto. 

Il y a des souvenirs pour tout le monde, 
Personne n'a été oublié, 
On se congratule tous à la ronde 
Avant de passer à table pour dîner. 

Le repas est excellent, 
La volaille très appréciée, 
Mais ce qu'attendent les enfants 
C'est la bûche que maman a confectionnée. 

Enfin elle apparaît sur la table 
On a tous les yeux écarquillés, 
Elle est belle et formidable 
Nous allons vraiment nous régaler. 

Pour clore en beauté la fête 
Le champagne était tout indiqué, 
Le bouchon vole au dessus de nos têtes 
Le vin pétille dans les flûtes embuées. 

Et voilà la journée terminée, 
Chacun regagne sa maison, 
Il restera au fond de ma pensée 
Le souvenir de cette chaleureuse réunion. 

Nous voici déjà au Nouvel An, 
Encore une année de terminée, 
En attendant venir le printemps 
Je vous souhaite bonheur et santé. 

C'est le moment d'échanger les voeux, 
On nous a beaucoup gâtés, 
Celà nous rend toujours heureux, 
De voir qu'on ne nous a pas oubliés. 
 
 

A JEANNETTE 

Où sont passés mes dix huit ans et mes rêves 
Ils sont si loin et partis pour toujours 
A toi Jeannette qui a pris la relève 
Savoure le temps qui s'écoule jour après jour. 

Je souhaite que ce modeste chèque t'apporte 
Un peu de joie et de bonheur 
Il ne faut pas fermer la porte 
Aux élans qui viennent du coeur 
 
 

A PATRICK, MARIE ET TOUS 

A seuil de la nouvelle Année, 
Qui, je le souhaite vous a tous réunis 
Recevez des brassées de baisers, 
De tatie Yvette et tonton Rémy 

Je vous envoie les voeux les plus sincères 
Ainsi que joie et bonheur, 
En premier une bonne santé, je l'espère 
Et beaucoup de courage dans le labeur. 
 
 
 

Pour me rendre sur la colline 
J'emprunte le chemin des Pins, 
La route est très en pente et rectiligne 
Par les chaudes après-midi il me tarde d'en voir la fin. 

Du haut de la petite montagne 
On découvre un vaste horizon, 
A perte de vue des champs et des campagnes 
Qui s'étirent de Paulhan à Clermont. 

Il y a toute une multitude, 
De petits villages éparpilles, 
Le curé m'a dit avec certitude 
Que seize, il en avait dénombrés. 

J'aime me retrouver sur cette cime 
Sous les grands pins remplis de chants d'oiseaux, 
Assis sur un tronc j'attends la rime 
De mon futur poème qui sera le plus beau. 

On devine le lit du cours d'eau 
Qui, paresseusement se traîne, 
Ce n'est qu'un morceau de l'Hérault 
Qui descend directement des Cévennes. 

Le froid est enfin arrivé, 
Le sol résonne sous mes pas, 
Malgré mon gros manteau et mon bonnet 
Je grelotte du haut jusqu'en bas. 

La campagne et toute blanche, 
L'on croirait qu'il vient de neiger, 
Ce n'est qu'une grosse gelée blanche, 
Qui aura disparue à la mi-journée. 

Malgré un soleil qui scintille, 
La bise qui nous vient du Nord, 
Transperce mes joues de mille aiguilles 
Et gagne tout doucement mon corps. 

Alors rapidement je m'avise 
De rejoindre un peu plus loin 
Le seul endroit où le vent n'a de prise 
Dans ce merveilleux petit coin. 

C'est au cours d'une promenade 
Que j'ai trouvé cet endroit délicieux, 
C'est une gentille rocade 
Loin de tous les regards curieux. 

Elle est située de telle façon 
Qu'aucun souffle ne s'y attarde 
Aussi les jours de grand frisson 
Comme un lézard je m'y "cagnarde". 

Abritée de tous les vents 
Le soleil y brille en permanence, 
Dans un coin se trouve un vieux banc 
Qui me tend les bras avec complaisance. 

Je viens de vivre des heures mémorables, 
La campagne a revêtu son manteau blanc, 
Restera gravé en moi, la beauté inoubliable 
De cette belle matinée du jour de l'An. 

Ce matin la neige s'est déjà envolée 
Balayée par les entrées maritimes, 
De sa jolie robe immaculée 
Il ne reste plus que quelques lambeaux infimes. 

Mais l'hiver ne fait que commencer 
Elle reviendra à nouveau, sans doute, 
Alors comme par le passé 
J'irai la fouler le long des routes. 

J'avance le long des chemins de pierre 
Sans but ni itinéraire précis, 
Quand le soir tombe je n'ai comme repère 
Que le clocher du village résonnant à l'infini. 

Assis sur une pierre en haut de la colline 
Mon regard perdu dans l'horizon lointain 
Comme dans un rêve, alors je m'imagine 
Que je tiens le monde dans le creux de ma main. 

De l'endroit où je suis, je découvre la plaine 
Avec ses champs, ses vignes et ses groupes de maisons, 
Au fond de son lit on devine à peine 
Le cours d'eau de l'Hérault qui descend de Clermont. 

La campagne est envahie de lumière, 
Le soleil rayonne dans le ciel, 
Je m'en vais courir cette dernière 
Car je me sens des fourmis dans les orteils. 

C'est une belle et merveilleuse journée, 
Dans le ciel aucun nuage, 
Le vent s'est enfin apaisé, 
Le soleil brille et réchauffe mon visage. 

Sur la pointe des pieds je pars à l'aventure 
Sans but ni projet précis, 
Je vais m'enivrer de soleil et d'air pur 
A mon retour la sieste sera bien finie. 

Le ciel court après les nuages, 
Sur la terre tout va de travers, 
Ce grand chambardement me renvoie l'image 
D'un monde qui tourne à l'envers. 

Pourtant il suffirait de peu de choses 
Pas la peine d'avoir recours à une révolution, 
Chacun de nous marquant une pose, 
En mettant un frein à nos ambitions. 

Le Jeudi matin c'est marché à Paulhan, 
La place de l'Horloge est pleine de forains, 
Je vais y faire un tour tout en me promenant 
La route est agréable, je marche avec entrain. 

J'ai rempli mon cabas avec de beaux légumes 
Que le vendeur disait venus de son jardin, 
J'ai acheté aussi une livre de prunes 
Que je grignoterai tout au long du chemin. 

Je m'en vais à la Placette 
Malgré la pluie et le vent, 
Je vais retrouver ma maisonnette 
Pour quelques heures seulement. 

Comme la vie me paraît belle 
Lorsque le soir au soleil couchant 
Tous les enfants en ribambelle 
Tournent sans cesse autour du lotissement 

Mon voisin est un être extraordinaire 
Tout ce qui est blanc, il le voit noir. 
J'ai essayé de lui prouver le contraire, 
Peine perdue c'est sans espoir. 

Il est en révolte contre toute chose 
Le temps, sa femme, la société 
Pour moi, la cause de son overdose 
C'est sa grande solitude inavouée 

Malheureusement son cas n'est pas unique, 
De plus en plus de gens se sentent isolés 
Dans un monde qui ne connaît pas ses limites 
Il ne reste plus de place pour les déshérités. 

J'avais beau me creuser la cervelle 
Aucune rime ne me parvenait 
Et puis, soudain, une étincelle 
Je venais de faire le premier couplet 

Je sens qu'il y aura une suite, 
Car la vie n'est pas terminée 
Malgré les longues années en fuites 
Il me reste un peu de temps pour m'exprimer. 

Aujourd'hui j'ai retrouvé la bonne humeur 
Car je viens de prendre une décision, 
En attendant des jours meilleurs 
Je vais me mettre à écrire des chansons. 

Voilà plus d'un mois que celà ne cesse, 
La pluie tombe le jour et la nuit 
Où est donc passé la sécheresse 
Que la météo depuis trois ans nous a prédit ? 

A l'instant où je venais au monde 
Un coup de tonnerre retentit 
Dans la chambre close et sombre 
Personne n'entendit mon premier cri. 

Ce n'est peut être qu'une coïncidence 
Mais quand j'étais tout jeune enfant 
L'orage avait sur moi une telle influence 
Que j'aurais voulu retourner dans le ventre de ma maman. 

Malgré le vent qui arrive d'Espagne, 
Emmitouflé dans mes habits bien chauds, 
Je vais comme d'habitude parcourir la campagne 
A la recherche du quartier le plus beau. 

La campagne est très animée, 
La taille de la vigne bat son plein, 
Les vignerons à demi penchés 
Actionnent leur cisaille à deux mains. 

Certains se servent de ciseaux électriques 
Dont les batteries entourent leurs reins, 
Celà me semble plus pratique 
Car ça leur libère une main. 

Avec les sarments, nous ferons cet été 
De bonnes grillades au parfum savoureux, 
Qui feront le régal de nombreux invités, 
Accompagnées d'un vin léger et généreux. 

Depuis quelques jours je me sens étrange, 
J'ai comme des fourmis dans les pieds, 
C'est une envie de partir qui me démange 
De faire un beau voyage à l'étranger. 

Après ma retraite j'ai fait de beaux voyages 
Certains en car, d'autres en avion, 
Mais celui qui obtint le plus de suffrages 
C'est aux Baléares à l'Hôtel Horizon. 

Il était juché en haut d'une colline 
Il dominait la ville et tous les environs 
Du balcon de la chambre on surplombait la piscine 
Dans le lointain décollaient les avions. 

Le soir à la nuit tombée tout devenait féerique, 
La rade dans le fond était illuminée, 
On distinguait dans l'eau des ombrages magiques : 
C'étaient des braconniers qui pêchaient au lamparo. 

Il y a eu aussi de belles promenades 
Sur les routes étroites aux dizaines de lacets, 
Dans le car, plusieurs personnes étaient malades, 
C'est vrai qu'il fallait avoir le coeur bien accroché. 

La salle de restaurant était belle et immense, 
Le buffet riche et très achalandé, 
Le soir il y régnait une telle ambiance 
Que l'on oubliait parfois de monter se coucher 

Il y a eu aussi le voyage pèlerinage 
Dans le Tyrol si beau et si accueillant, 
J'allais rechercher les souvenirs de mon jeune âge 
Mais, quarante ans après, rien n'était comme avant. 

La ville d'Innsbruck est restée toujours belle 
Et a conservé son petit toit en or 
Tout autour ses montagnes aux neiges éternelles 
Et le froid de l'hiver qui bat tous les records 

Je me suis rendu plusieurs fois en Espagne, 
Ainsi qu'aux Iles Canaries, 
C'est de l'aéroport de Marignane 
Que j'ai rejoint Tunis et la Turquie. 

C'est en voyages organisés 
Que j'ai découvert l'Italie 
Ses Cathédrales, ses musées 
Ses gros plats de spaghettis. 

Rome l'antique et ses embouteillages 
Mais aussi son imposant Colisée 
Le Vatican où l'on se rend en pèlerinage, 
La Place St Pierre noire d'une foule bariolée. 

Mais, au fond de moi, c'est bien de Florence 
Que je garde les meilleurs souvenirs, 
Son architecture et ses richesses immenses 
Me donnent parfois l'envie d'y revenir. 

La Tunisie où les dollars venant d'Amérique 
Font pousser de beaux hôtels par milliers 
A côté de villages bâtis de quatre briques, 
Les grands souks de Tunis fourmillants d'étrangers. 

Beaucoup plus reposante la route du désert 
Où vivent des nomades avec leurs troupeaux 
Mille kilomètres plus loin la route de Tozeur 
Ses grandes palmeraies qu'on visite à dos de chameau. 

Merveilleux souvenirs de ces années lointaines 
Lorsque vers minuit je rentrais au dépôt 
Venant de nulle part, le chant des tyroliennes 
Qui arrivait à moi, renvoyé par l'écho. 

Comment ne pas évoquer mon séjour à Venise 
Les promenades en gondole sur ses nombreux canaux, 
Le pont du Rialto et ses belles églises 
La place St Marc et ses milliers d'oiseaux. 

J'ai longtemps circulé dans le palais des Doges, 
Franchi le pont des Soupirs et son cruel passé, 
Resté émerveillé aux douze coups de l'Horloge 
Quand tournent les personnages tendrement enlacés. 

J'ai bien aimé mon voyage en Espagne, 
Les corridas et ses vaillants taureaux, 
Bien que je sois un vrai profane 
J'admire le courage et la mollesse des toreros. 

J'ai visité la ville de Grenade, 
Sa cathédrale que l'on n'oublie pas, 
J'ai fait de très longues promenades 
Dans les jardins de l'Alambra. 

Les sérénades de Séville 
Ses danseuses fières et cambrées 
Qui évoluent au son des séguedilles 
Vous comblent de joie et de volupté. 

Douce France, terre promise, 
Que tant de pays nous envient, 
Lentement, mais sûrement tu t'enlises 
Avec tes millions de chômeurs et sans abris. 

Je me sens l'esprit révolutionnaire 
Moi, d'habitude si indulgent, 
Il est parfois dur de se taire 
Contre la carence du gouvernement. 

Où sont les belles promesses 
Que faisaient miroiter nos élus ? 
Ils ont profité de nos faiblesses 
Pour nous berner une fois de plus. 

Je ne souhaite pas la guerre 
Mais l'Histoire nous a montré 
Qu'à tant brandir le pot de fer 
Le pot de terre s'est cassé. 

Bientôt soixante millions de Français, 
Quelques riches, beaucoup de pauvres, 
Mais la catégorie la plus convoitée 
Les retraités et leurs biens qui les honorent. 
 

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les souvenirs de Rémy Le Destin - Roman La page de Rémy