X - Le remède miracle

Ce jour-là exceptionnellement, c’était moi qui faisais le berger. Je remplaçais ma soeur pour une raison quelconque.

Le soir tombait, c’était l’heure de rentrer le troupeau. On le logeait dans une ferme non loin de la maison. Pendant que j’enfermais les moutons dans diverses bergeries, mon oncle, qui habitait sur place, arriva avec sa casserole à la main afin de récupérer sa chèvre et la traire. Il arrivait tout plié en deux, marchant difficilement. Il paraissait vieilli de dix ans. Surpris de le voir ainsi, je lui demandai ce qui lui arrivait. A cela, il répondit qu’il avait un mal de dos atroce, et qu’il avait toutes les peines du monde à se déplacer. Effectivement, il était mal en point. En attendant que je continue à trier mes bêtes, il se tenait légèrement à l’écart, tournant le dos au troupeau. Nous avions un gros bélier, plutôt fougueux, mais jusqu’à ce jour, il s’était toujours tenu tranquille. Je ne sais ce qui le prit, peut-être n’aima-t-il pas l’allure trébuchante de l’oncle. Le tout est qu’il fonça carrément dessus, en lui donnant un tel coup de tête qu’il envoya le pauvre homme rouler à terre. Je m’apprêtais à intervenir, lorsque je vis l’oncle se relever d’un bond, rouge de colère. Il attrapa le bélier (qui restait là, impassible), le souleva à plusieurs reprises par les oreilles, avant de lui donner de violents coups de pieds. Je regardais cette scène, tout éberlué. Après les premières émotions, un fou rire me prit, que j’avais du mal à cacher. Le bélier tout penaud avait repris sa place dans le troupeau. Quant à l’oncle, il courait dans tous les sens afin de retrouver sa casserole qui avait voltigé à plus de dix mètres par la secousse. Je n’en croyais pas mes yeux. Ce n’était plus le vieil homme de tout à l’heure, il avait subitement retrouvé sa jeunesse.

Le lendemain, mon oncle était comme à son habitude, il ne parlait plus de son mal au dos.

A notre époque, on parle beaucoup des méthodes modernes contre les douleurs dorsales, des manipulations ou de l’acupuncture. Peut-être bien que le bélier, sans le vouloir, bien sûr, avait trouvé le point sensible pour atténuer la douleur, mais surtout la déprime passagère de mon oncle

 

 


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