XVI - Un chargement de camion bien arrosé

Grandon n’était pas Cévenol de naissance. Il descendait droit de la montagne, comme l’on disait chez nous. Il s’était installé avec sa nombreuse famille dans une petite ferme à proximité de Sainte-Croix-Vallée-Française. C’était un homme de forte corpulence, d’une quarantaine d’années. Sa femme travaillait à la filature, et lui était plus souvent dans les bistrots que dans les champs. Comme il était très robuste, les gens l’embauchaient volontiers pour certains travaux de force.

Un jour, le négociant du village, ayant un wagon en instance à Saint-Jean-du-Gard à décharger rapidement, fit appel à lui pour faire le transvasement du conteneur sur son camion de dix tonnes. Après avoir copieusement déjeuné, vers huit heures, Grandon demanda au patron de lui fournir une bonbonne de dix litres de bon vin et promit que le travail serait fini avant midi.

Effectivement, à l’heure dite, le camion était chargé à bloc et la bonbonne de vin était vide. Quant à Grandon, sa démarche était un peu incertaine, sa voix pâteuse et surtout son visage rutilant.



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