II - Une surprise fort inattendue

Noël approchait. C’était le dernier jour d’école avant les vacances.

J’avais neuf ans à peine, et mon premier trimestre s’était fort bien passé ; d’ailleurs les notes que nous distribuait Mme Cases en faisaient foi. J’avais même eu droit à des félicitations. Aussi, à la sortie de classe, j’étais transporté de joie. En quelques enjambées, je rejoignis la maison distante de deux cents mètres de l’école. J’avais hâte d’annoncer la bonne nouvelle à ma mère. La porte de la cuisine était pourvue d’une grosse poignée qui faisait office de marteau pour signaler l’arrivée d’éventuels visiteurs. Alors, moi, pris subitement d’euphorie, je donnais plusieurs coups de marteau de toutes mes forces et déboulais à cent à l’heure au centre de la pièce (je revois encore souvent le spectacle).

Du côté de la cheminée, une dizaine de femmes, toutes de noir vêtues, s’étaient levées précipitamment de leurs chaises, l’air complètement affolé, ma mère laissant tomber une tasse de café. Seule, Grand-mère qui avait une légère grippe, était restée dans son fauteuil. J’étais cloué sur place, tout mon corps s’était subitement paralysé. Il m’était impossible de faire le moindre mouvement. J’aurais dû, comme l’auraient fait sûrement d’autres gamins, rebrousser chemin en triple vitesse. Eh bien, non. Je restais là comme un engourdi, l’air complètement idiot, je le suppose.

Alors, une dame s’est approchée de moi pour me parler et m’expliquer qu’elles étaient venues pour fêter le Noël à Grand-mère qui ne pouvait se déplacer pour se rendre au temple. « Nous allons chanter des cantiques, me dit-elle, je compte sur toi ». Peine perdue, aucun son ne pouvait sortir de ma bouche, rien ne pouvait me dérider. Alors, de guerre lasse, ces dames se rassirent de nouveau pour continuer leurs dévotions et déguster la tasse de café ainsi que les biscuits que maman leur servait.

C’est à ce moment là que je retrouvais mon énergie, et d’un trait, je passai la porte pour aller me réfugier à l’écurie, où je retrouvais avec soulagement mes petits amis les agneaux et leur mère.

Il y avait fort longtemps que les dames avaient quitté les lieux lorsque je décidai de revenir à la maison, mais sur la pointe des pieds, cette fois.
 



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