XXXXVI - Le coup de gratte

     Nous étions au mois de novembre, et la saison de ramasser les châtaignes battait son plein.

     Paul et sa femme, ainsi qu’un employé qui était un vieux garçon, et travaillait à la ferme depuis de longues années, se trouvaient dans la «mazière» (terrain uniquement planté de châtaigniers) entrain de cueillir ces précieux fruits.

     Exceptionnellement ce jour là une jeune voisine était venue pour leur donner un coup de main. De fait, ils étaient quatre, et comme c’était la coutume chacun se mettait en rang et ramassait les châtaignes sur une largeur d’environ deux mètres afin de ne pas en oublier sur le terrain.

     La jeune fille était habile et caracolait souvent en tête à côté du lourdaud de vieux garçon. Son petit sac autour des reins, elle faisait voltiger son cotillon qui lui arrivait jusqu’au chevilles. (La minijupe n’avait pas fait encore son apparition). En même temps elle se servait de sa «gratte» qui faisait une petite fourche d’un côté pour enlever les feuilles, et de l’autre côté un petit marteau pour ouvrir certaines bogues récalcitrantes.

     Tout à coup, je ne sais ce qui se passa dans la tête du pauvre bougre, qui se trouvait juste derrière la fille : il avança la main vers son postérieur en disant avec un air benêt : «tiens si tu étais une chèvre, c’est là que tu aurais ton pis».

     La demoiselle fût surprise, mais ne perdit pas son sang froid pour autant. Elle assena de toutes ses forces un coup de marteau de la gratte, en plein front du rustre, en disant : «Tu vois, si tu étais un bouc, c’est là que tu aurais tes cornes».

     Le garçon était tout hébété, et le sang ruisselait le long de son visage. Il fallût avoir recours à un bon pansement, avant de pouvoir reprendre le travail.

     A mon avis, cela dût lui servir de leçon et il ne recommença pas sa tentative de sitôt.



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