XXXXVII - La tournée du facteur

     Au cours de mon enfance, le facteur effectuait sa tournée quotidienne à pieds. Il y avait même une boite aux lettres dans le hameau où j’habitais qu’il devait relever journellement.

     Le circuit qu’il avait à parcourir était assez facile, car il se déroulait assez normalement à travers la commune dans le sens des aiguilles d’une montre. Ce qui n’empêchait pas d’avoir tous les jours près de vingt kilomètres dans les jambes.

     Son sac qu’il portait en bandoulière, n’était généralement pas très lourd. Les gens ne recevaient pas autant de courrier qu’à présent. (Les réclames et prospectus en tout genre n’avaient pas encore envahi fort heureusement nos boîtes à lettres). D’ailleurs les boîtes à lettres dans nos campagnes n’existaient pas, le facteur apportait dans les maisons les missives et acceptait parfois un verre de vin pour se donner du courage.

     C’est avec plaisir qu’il s’acquittait de faire des petites commissions pour les personnes âgées. Cela leur évitait de se rendre au village parfois assez éloigné. Bien sûr, pour les étrennes du Jour de l’An, lorsqu’il apportait le calendrier, les gens en tenaient compte, et se montraient plus généreux.

     Donc, tout allait pour le mieux, jusqu’au jour ou un bonhomme qui possédait une vieille ferme décida de venir s’y installer. C’était une maison très isolée, et d’un accès difficile.

     Pour le facteur, qui n’était pas très jeune cela représentait un détour de plus de deux kilomètres. Heureusement que le nouveau propriétaire, qui ne savait ni lire ni écrire ne recevait aucun courrier.

     Pourtant un jour il arriva une lettre à son nom. Le Préposé jugeant qu’il n’y avait rien d’urgent remit l’enveloppe au plus proche voisin, qui se rendait tous les jours garder ses moutons du côté de cette ferme, en le priant de remettre la lettre à son propriétaire.

     Cela ne plu pas à ce dernier ; il se dit qu’il n’y avait pas de raison que le facteur ne s’acquitte pas lui-même de son travail. Alors il se rendit à la poste pour se plaindre, et en même temps, prit un abonnement d’un an à un journal quotidien.

     De ce fait le pauvre facteur dût se rendre tous les jours à la ferme. Sans le moindre espoir de recevoir un verre de vin. Quant au journal, il servait à allumer le feu dans la cheminée tous les matins.


La corniche des Cévennes

Toussaint 1980

Vue en allant à Gabriac par la corniche des Cévennes

suiteles souvenirs de Rémy Le Destin - Roman La page de Rémy