VIII - Les mésaventures de Poulou

Poulou, dont j’ai cité le nom à plusieurs reprises, habitait une ferme à cinq cents mètres environ de chez nous. Il était simple d’esprit (pour ne pas dire idiot), et vivait avec ses parents, ainsi que son frère, normal, celui-là. Il passait presque tout son temps à circuler d’une maison à l’autre, pour quémander soit un peu de vin, soit chez les fumeurs une cigarette. Il se contentait même des mégots, que certains lui réservaient. Ces déchets de tabac, il en faisait des boulettes qu’il chiquait avec délices. Parfois même, il oubliait d’en retirer le papier.

Un jour, je ne sais ce qui le prit (il devait vraiment en manquer), il se rendit chez notre voisin le mari de l’institutrice, qui était un gros fumeur. Monsieur Cases n’était pas là, la maîtresse se trouvait en classe avec nous au rez-de-chaussée. Poulou quitta ses gros sabots à la porte d’entrée, et doucement monta les escaliers qui conduisaient à la cuisine. Il avait aperçu plusieurs fois la cachette où monsieur Cases rangeait son tabac.

Malheureusement pour lui, la maîtresse avait l’oreille fine. Il lui sembla entendre un léger bruit. Alors, elle sortit de la classe, et aperçut les sabots du voleur. Elle comprit tout de suite ce qui se passait. Elle grimpa quatre à quatre les marches pour surprendre Poulou, vidant le pot à tabac de son mari.

Nous entendîmes deux claques qui résonnèrent fort dans le vestibule, et la descente plus que rapide du pauvre Poulou qui en oublia ses sabots.

Madame Cases rentra dans la classe sans aucun commentaire et repris ses cours. Je remarquai qu’elle frictionnait un peu ses mains, et que ses joues étaient un peu plus roses qu’à l’ordinaire. Elle avait de la peine à maîtriser une certaine colère.

 

 


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